Le difficile financement du service “gratuit”

La solution d’ajustement tarifaire, si décriée, serait elle le seul moyen d’équilibrer réellement les finances des services publics juridiques et judiciaires ?

Nous osons l’affirmer !

Bien sûr, le modèle serait différent de celui que nous proposons pour le notariat, mais il se trouve à mi chemin entre le “tarif de l’acte authentique” proposé par Res-Iste et le financement des transports strasbourgeois… 

Il n’y a aucune raison objective pour que la Justice, dont on abuse de plus en plus, soit à la seule charge de l’Etat et donc du contribuable. Il pourrait très aisément être envisagé qu’une partie non négligeable de son fonctionnement soit prise en charge par les “utilisateurs”, les justiciables eux mêmes, à proportion de l’intérêt qu’ils retirent de son utilisation.

Ce paiement serait dissuasif pour les procéduriers, qui ont, de plus en plus, recours à la Justice comme ils gratteraient un ticket de la Française des Jeux, et les plus riches n’hésitent plus désormais à payer des fortunes à des avocats qui profitent d’une rémunération à la durée et de l’absence de coût d’utilisation des tribunaux. Et si on distinguait, ici aussi , la rémunération du professionnel du coût du service ? L’institution judiciaire et les services juridiques sont malades, intoxiqués par leur esprit de service dans un monde où tout se paie ; il est nécessaire de repenser son “business model” archaïque, tout en respectant le droit pour chacun, et quels que soient ses moyens, d’y recourir avec des chances égales, ce qui est bien loin d’être le cas aujourd’hui.

Mieux encore, certains avocats, qui n’hésiteraient pas une seule seconde à facturer très cher leurs prestations, osaient évoquer la possibilité de “rendre authentique” l’acte assisté par Avocat en “le faisant valider en justice pour en permettre la publicité foncière“, ce qu’une rédaction lucide du code civil a permis d’éviter. Illustration sans équivoque de l’abus de la gratuité par ceux qui en tirent profit…

En tout cas, la situation décrite par le Garde des Sceaux dans cette interview au JDD devrait, au moins, ouvrir une discussion sur cette question essentielle ! Mais il était tellement urgent d’en finir avec la “rente des notaires” surtout en “écrêtant” les petits actes, qu’on a oublié de regarder les disparités étonnantes dans la rémunération des avocats…Le système d’aide juridictionnelle, lui-même, serait améliorable d’une façon évidente, au profit de “la veuve et de l’orphelin” et de leurs “vrais” défenseurs…

Du reste, peut-on réellement dire : “oublié” ? 

Politique, Avocat, ce ne sont, de plus en plus souvent, que deux périodes successives, ou alternatives, d’une même carrière, souvent très rémunératrice…Lorsque le bénéficiaire doit, lui-même, modifier ce qui lui profite, il est rare qu’il le fasse spontanément et objectivement !

Urvoas : “Le ministère de la Justice n’a plus les moyens de payer ses factures”

EXCLUSIF – Terrorisme, déchéance, prison, finances, CSM… Le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas se confie au JDD et alerte : “Le risque existe que [la machine judiciaire] se grippe.”

Jean-Jacques Urvoas évoque une justice en "bout de souffle"

Jean-Jacques Urvoas évoque une justice en “bout de souffle”. (Eric Dessons/JDD)

Vous êtes garde des Sceaux depuis deux mois et la démission de Christiane Taubira. Quel est votre constat?
Dans un souci de vérité et de transparence, il faut reconnaître que la justice est à bout de souffle. Le ministère n’a plus les moyens de payer ses factures. D’ailleurs, la direction de l’administration pénitentiaire a 36 ? millions d’euros de factures impayées pour des hospitalisations de détenus. Voilà la réalité. Celle d’une vraie situation de sinistre.  […]

Comment l’expliquez-vous? La faute de vos prédécesseurs?
Nous avons fait énormément d’efforts depuis 2012 sur les créations de postes. En 2015, pour la première fois, il y a eu davantage de magistrats nommés que de départs à la retraite. Mais un nouveau magistrat a besoin d’un bureau, d’un téléphone et d’un greffier. Or les budgets de fonctionnement n’ont pas suivi! Les juridictions ont déjà fait baisser toutes leurs dépenses, de nettoyage et d’entretien, par exemple… Elles n’ont même plus de ressources disponibles. Je connais même un tribunal où on n’imprime plus les jugements, parce qu’il n’y a plus d’argent pour les ramettes de papier ! Or on ne peut notifier un jugement que lorsqu’il est imprimé !

La machine judiciaire risque de s’arrêter…
Le risque existe qu’elle se grippe. L’autre urgence absolue est celle des frais de justice qui rémunèrent les interprètes, les laboratoires d’analyses ADN, les experts, les frais pour les écoutes téléphoniques. Tous ces prestataires privés sont payés au minimum avec quatre mois de retard… L’État a une dette de 170 ? millions d’euros. Tous ces collaborateurs du service public ne voudront plus travailler pour la justice si nous ne les payons pas! Des experts, comme des psychiatres, nous disent déjà qu’ils n’ont pas besoin de nous pour travailler… Mais nous, nous avons absolument besoin d’eux.

Salah Abdeslam sera en France la semaine prochaine. À quoi doit-il s’attendre?
Pour ce qui relève de ma responsabilité, le jour où un juge décidera son incarcération, nous prendrons toutes les mesures nécessaires. Il sera probablement à l’isolement sous surveillance constante, tout simplement parce qu’il faut qu’il puisse aller au procès.

Laurent Valdiguié – Le Journal du Dimanche – samedi 02 avril 2016

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