Pour en finir (virgule) avec les notaires

Le notariat est sans aucun doute une profession importante. A voir l’énergie déployée par les médias depuis presque trois ans pour relater les défauts de la profession et les mérites supposés de ce qui aurait du émerger de la loi croissance, pour relayer les pleurs et lamentations de diplômés exceptionnellement doués qui seraient empêchés par d’horribles incompétents cooptés et malthusiens de servir leurs concitoyens pour la seule gloire du titre, on doit se poser la question…

Ce notariat qu’on aime détester, pourrait-on réellement s’en passer ?

Et les intellectuels de tous bords vous répondront assurément “Bien sûr, il n’est pas nécessaire de recourir aux services d’un juriste pour la plupart des affaires, je préférerais pouvoir m’adresser directement à un service de l’Etat dont les fonctionnaires raisonnablement rémunérés sauraient sans doute muter mes propriétés et enregistrer mes déclarations…Après tout, je fais bien certaines choses complexes sans l’aide de personne !

D.I.Y (“di-aille-ouaille” comme disent les anglo-saxons “do it yourself”…Et effectivement, lorsque survient l’accident on “dit aille, ouaille” !)

Depuis plus de deux ans, “ON” s’attaque à la rente des notaires (en même temps qu’à celle de 36 autres professions réglementées dont on a beaucoup moins parlé, hélas pour elles !), pour “rendre du pouvoir d’achat à la population” ; peut-on réellement dire, aujourd’hui que l’objectif annoncé a été atteint ?

Comme vous persistez à ne pas commenter nos publications (ce que permet pourtant ce site), je me permettrai de déduire de votre silence que votre réponse est NON.

Je ne me permettrai pas, en revanche, de commenter la dénomination de cet objectif (Mais précise quand même que selon moi, “le notariat” ne bénéficie d’aucune rente ! C’est tout autre chose…), je constate, simplement, que l’approche initiale n’est pas conforme au résultat obtenu.

Et puisque la cible n’a pas été atteinte, ceux qui souhaitaient sa réalisation ne manqueront pas de lancer une nouvelle offensive, dès que l’occasion se présentera, donnant naturellement une nouvelle opportunité à ceux qui ont déjà dévoyé la précédente pour réaliser des projets bien différents.

Deux réflexions contradictoires en veulent au notariat : L’une s’offusque que les notaires puissent avoir des revenus colossaux sans rapport avec la réalité du travail réalisé en raison du lien direct rémunération/valeur (et omettent qu’a contrario il peut arriver à certains d’avoir des revenus insuffisants pour cette seule et même raison) L’autre s’offusque de n’avoir pas accès à cette manne providentielle et fustige le monopole scandaleux attribué aux notaires en place…

Le notariat est donc pris en tenaille entre ceux qui veulent diminuer ses revenus et ceux qui veulent se les approprier…

Mais chacun des camps peut lui-même être subdivisé :

Parmi ceux qui s’offusquent du revenu excessif des notaires, on distinguera ainsi :

– les clients qui trouvent que la rémunération du professionnel est trop chère proportionnellement au service qu’il leur apporte (certains demandent la gratuité illusoire d’une nouvelle fonction publique, d’autres veulent que le marché soit ouvert  pour pouvoir à leur choix agir en “low cost”)

– Les diplômés qui trouvent que la rémunération du titulaire est excessive comparativement à la leur et souhaiteraient donc “partager le gâteau”, multipliant les déclarations enthousiastes et naïves sur leur conception d’un métier dont ils n’appréhendent en fait qu’une toute petite partie, et dont ils sous-estiment les coûts comme les entraves.

Chez ceux qui voudraient s’approprier le revenu des notaires on trouvera à égale part

– Les professionnels de toute nature qui ont pris leur essor essentiellement en raison du monopole de la publicité foncière et des contraintes qu’il a imposées au notariat (le développement des conseils devenus par la suite avocats, des gestionnaires de patrimoine et des agents immobiliers a été grandement facilité par une tendance mono-produit autour de l’authenticité, due à la fois à l’excès de confort pour les plus heureux, et à l’excès de contrainte pour les moins favorisés : qu’on n’ait pas besoin (qu’on leur donne l’envie !) ou pas le temps, on n’envisage pas plus de développer les activités annexes…) qui affirment pouvoir faire mieux en comparant leur mode actuel d’action avec les prétendues “lourdeurs” des notaires.

– Les notaires “entrepreneurs” qui voient dans le statut un frein à la concentration sous leurs griffes de prédateurs d’activités juteuses détenues par des minables dont on leur dit  qu’ils seraient leurs frères (pour la première syllabe, ils en sont convaincus, croyez-le bien !) et qui veulent, car ils sont en position de force par l’effet bénéfique d’un tarif géo-favorisant, la liberté totale, qui leur permettrait en quelques années à peine, au mieux de devenir plus puissants encore, au pire de céder leurs parts à des organismes financiers qui les rétribueraient un très bon prix pour prendre pied dans un secteur présumé juteux.

“ON” sacrifie donc le notariat sur l’autel de MAMMON ; aucun de ceux qui l’attaquent ne le fait dans une perspective d’intérêt général, même si c’est bien sûr toujours cet argument qui est porté en étendard…

Et le notariat dans tout ça ?!

Eh bien, je vais oser une affirmation qui ne plaira sans doute pas, mais je n’en suis pas à une près : Le notariat est muet, il se tait d’une seule voix, ou pire : il n’existe pas.

Des notaires, j’en ai rencontré, des dizaines, des centaines, de toutes sortes, et, à quelques rares exceptions près (qui n’ont pas toujours été immédiatement des exceptions) j’ai souvent eu l’impression qu’ils étaient enfermés dans une sphère de miroir sans tain, qui occultait l’univers entier en leur montrant uniquement leur propre reflet…

Certes, mon formateur en médiation m’avait convaincu du fait que “parlez-moi de moi y’a qu’moi qui m’intéresse” était la chanson qui tourne en boucle dans la radio mentale de l’humanité, mais enfin, lorsqu’il s’agit de réforme, n’est-ce pas l’intérêt de tous que chacun des intervenants devrait tenter de promouvoir, sans pour autant bien sûr sacrifier la totalité de ses intérêts particuliers ?

Seuls ceux qui n’avaient quasiment ni à perdre ni à gagner dans une saine réforme pouvaient réellement s’exprimer avec le détachement nécessaire pour une pensée positive…Pour pouvoir proposer, il faut d’abord et surtout être capable de s’oublier.

Or, nos réformistes avaient manifestement le notariat ou son statut dans le collimateur, pas autre chose !

Faire baisser le coût des prestations notariales pour “rendre du pouvoir d’achat” n’a d’intérêt qu’ à la stricte condition que le “pouvoir d’achat” soit rendu à ceux qui en ont le plus besoin ! L’écrêtement est à ce titre une mesure démagogique extrémiste et spoliatrice portant sur des actes d’un prix très bas, sans prise en considération des réalités…

Rémunérer raisonnablement le professionnel au moyen d’un tarif pertinent devrait tout autant écarter les revenus insuffisants que ceux qui apparaîtraient comme excessifs en fonction du travail de base à accomplir, tout en permettant au professionnel de facturer librement, en accord avec son client les tâches ne relevant pas de cette action.

Sans parler d’égalité absolue (ce que sous-tendait l’idée de rémunération forfaitaire qui semblait se dessiner au début de la réforme) il devrait être pris en compte une notion d’égalité relative (pourcentage unique et invariable à proportion de l’intérêt de l’opération) côté client, et côté notaire une rémunération proportionnellement dégressive (assurant au professionnel une adéquation convenable à son milieu d’exercice)…Egalité parfaite devant le service public comme devant les charges publiques ne signifie pas nécessairement tarif forfaitaire unique ! Il faut (et il suffit de) mettre fin à la détermination absurde de la rémunération du professionnel en fonction du prix des biens et droits considérés, transformer le tarif “des notaires” en “tarif de l’acte authentique”.

Et la concurrence, me direz-vous ? Eh bien, Considérée comme “la structure d’un marché qui se caractérise par une pluralité d’entreprises en compétition les unes par rapport aux autres pour bénéficier de la préférence des consommateurs”, elle a toujours existé !  Mais pourquoi la concurrence devrait-elle nécessairement se réduire à une question de prix ?!

A prix égal (raisonnable), le consommateur retrouve une liberté objective de choix (le plus proche, le plus efficace, le plus sympathique, bref, celui qui lui convient), tandis que la course aux prix lui fait parfois perdre de vue l’essentiel…

Avec un tarif “équitable”, la multiplication des offices dans une raisonnable mesure aurait sans doute été plus facile ! Oh bien sûr, les “complotistes” qui s’imaginent que tous les notaires refusent la “saine” concurrence vous affirmeront qu’ “ON” (le même que plus haut ?!) les empêche de s’installer, mais la vérité est toute autre !

La liberté d’installation, que réclament à cor et à cris les “Diplômés Notaires” existe depuis toujours… Elle a même été utilisée avec succès , contre l’avis du “lobby notarial” dans un lointain passé  (http://www.notariat2000.com/archives/linventeur-de-site), par un audacieux, et prônée par certains agitateurs d’idées (http://www.notariat2000.com/archives/linventeur-de-site-2) comme étant “la” solution…

Par un tarif réellement équitable et une ouverture aux inventeurs de site, les objectifs revendiqués en 2014 par le Ministre du Redressement Productif pouvaient être atteints, simplement, calmement…Mais on a préféré l’affrontement…

Certains voulaient manifestement “en finir avec les notaires“…Les élections les portent semble-t-il au pouvoir et ce pouvoir sera manifestement sans partage, les dégâts de la réforme peuvent encore être minorés, le texte de la loi croissance n’est en effet pas contraire à ce qui précède (contrairement aux décrets et arrêtés qui l’ont mise en application), mais il faut que nous ayons l’audace de relever le défi…

Une fois pour toutes, classons cette affaire qui nous pourrit la vie à intervalles réguliers…

Oui, nous y sommes prêts, il faut “en finir, avec les notaires” ; mais on ne soulignera jamais assez l’importance de la ponctuation !

1 réponse

  1. François KIEKEN dit :

    ON, ne serait ce pas les avocats dont un certain nombre d’entre eux ont été ministre de la justice, garde des Sceaux (ou inversement) ?
    En tout cas, ils ont gardé le souvenir des paroles ou écrits de l’un de leur prédécesseur, René Capitant pour qui il fallait un homme juridique nouveau et dont le nom aurait été « avocat » ; je l’ai dit et redit, les avocats ont de la mémoire, au moins autant que les notaires et ils n’ont pas oublié.
    On veut redonner du pouvoir d’achat « au peuple » en baissant les émoluments des notaires, mais ON a jamais pensé, même une minute, que « le peuple » ne vas voir les notaires si souvent que cela, une ou deux fois dans sa vie pour acquérir un bien et une ou deux fois pour des questions d’héritage, avec, bien ancré la certitude que tout ce que l’on va « laisser » au notaire ira dans sa poche ; la com. est bien mal faite par le CSN et effectivement les notaires « de base » ne disent rien.
    Alors, comme il faut bien « les avoir » ces notaires, ON parle de rente, comme vous l’écrivez, cela plait davantage « au peuple » (et peut peut-être le soulever).
    On nous dit notre nouveau Président de la République ouvert à la concertation, on n’oublie quand même pas qu’il fut le ministre de la loi qui porte son nom et que va bientôt se terminer le délai de 2 ans qui permettra à la DGCCRF de revoir les tarifs (qui sont les mêmes peu ou prou que ceux d’avant) et les mêmes tractations vont recommencer !!!!
    F.Kieken (ancien notaire)

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