Les mensonges de la Réforme
La réforme du Tarif des Notaires – Histoire d’un mensonge orchestré :
Les rédacteurs de la Loi Croissance et Activité souhaitaient que les coûts et rémunérations des notaires soient plus proches des réalités de l’activité, c’est ainsi qu’avaient été excipés les termes « pertinent » et « raisonnable », dont l’utilisation laissait entendre au commun des mortels qu’il s’agissait de définir à la fois :
– un juste prix pour l’utilisateur du service (ce juste prix pouvant être selon l’interprétation qui serait faite du terme proportionnel au coût réel de la prestation, ou à l’intérêt retiré par celui qui en bénéficie).
– une juste rémunération pour le professionnel chargé d’assurer le service (la même interprétation pouvant être faite ici)
Pour illustrer la problématique tarifaire, nous prendrons une fois encore l’exemple d’une vente d’immeuble :
Quelle que soit la valeur de l’immeuble, il ne s’agit pas de tarifer un « acte » (même si la communication professionnelle « le notaire c’est l’acte authentique » et le titre « tarif des notaires » le laisse clairement accroire) mais une démarche complète !
Un acte authentique notarié, ce n’est pas qu’un document papier ou électronique de quelques pages tiré de l’imagination du moment.
Ce sont des gens à “concilier” (pour la satisfaction des deux parties il faut à tout le moins les entendre);
C’est un dossier à instruire;
Ce sont des vérifications à effectuer;
C’est une réception par le notaire (dans la plupart des cas en étude rurale) pour lecture, explication et signatures;
Ce sont des formalités postérieures;
Ce sont des opérations comptables;
C’est une responsabilité minimale de 30 ans !
C’est, enfin une obligation de conservation de 75 ans et plus (les archives départementales n’assumant plus leur rôle les notaires stockent bien souvent à leurs frais et à leurs risques des dizaines d’années d’archives dont ils ne devraient plus assumer la charge)
Les tarifs de 1978 et de 2016 distinguent (malgré l’idéal de clarté présidant à la réforme) l’acte de ses formalités.
Par simplification du propos, mais aussi et surtout parce que ces formalités sont pour l’instant mal évaluées faute d’interprétations attendues (vous disiez clair, juste et lisible ?) considérons que leur coût est similaire à 2,50 % près et sachant qu’elles représentent pour une vente environ 1.000,00 maximum en moyenne (nationale) et sont plus proches de 600,00 pour les actes les plus simples, leur évolution ne changera pour ainsi dire rien à la vie des notaires et de leurs Etudes.
Concentrons-nous sur l’acte lui-même, et pour ce faire, analysons divers types d’acte…
1°) L’emplacement de la « cabane au fond du jardin » vendu au voisin pour 35,00 €
2°) Une parcelle de terrain « boisé » en zone rurale 350,00 €
3°) Une parcelle de terrain agricole de taille moyenne 3,500,00 €
4°) Une parcelle de terrain à bâtir en zone périurbaine 35.000,00 €
5°) Une maison ou un appartement (variable selon région. en rural très luxueux) 350.000,00 €
6°) Un bien immobilier de prestige (pour la plupart des régions) 3.500.000,00 €
7°) Un bien immobilier de prestige dans une région fortement valorisée 35.000.000,00 €
8°) Choisissez de quoi il s’agit mais ne doutez pas que ceci existe 350.000.000,00 €
PRIX EXPRIME |
TARIF 1978 |
TARIF MACRON |
Effet ressenti de la réforme |
35,00 |
78,00 |
90,00 |
Augmentation de la rémunération 15,38 % |
350,00 |
78,00 |
90,00 |
Augmentation de la rémunération 15,38 % |
3.500,00 |
140,00 |
138,00 |
Baisse de la rémunération 2,00 € |
35.000,00 |
631,00 |
626,00 |
Baisse de la rémunération 5,00 € |
350.000,00 |
3.299,99 |
3091,00 |
Baisse de la rémunération 208,00 € |
3.500.000,00 |
29.286,00 |
26.168,51 |
Baisse de la rémunération 3.118,00 € |
35.000.000,00 |
289.161,00 |
256.937,51 |
Baisse de la rémunération 32.224,00 € |
350.000.000,00 |
2.887.911,00 |
2.564.627,51 |
Baisse de la rémunération 323.364,00 € |
Admirable n’est-ce pas ?
Il résulte clairement, pour un esprit non averti, une réduction de « la rente », et une aide non négligeable à l’intention des rédacteurs des petits actes (+ 15,38 % c’est la plus grosse hausse jamais consentie !)
Imaginons, maintenant, que nous décidions d’ajouter, linéairement, une rémunération des formalités disons même, la plus faible possible…400,00 € (sachant que les formalités sont unitaires et forfaitaires mais couvrent des réalités multiples elles sont plus fréquemment de 600 et plus, mais l’illustration devrait être ici suffisante) et appliquons la aux deux époques.
PRIX EXPRIME |
TARIF 1978 |
TARIF MACRON |
Effet ressenti de la réforme |
35,00 |
478,00 |
90,00 |
Baisse de la rémunération 388,00 81,18 % |
350,00 |
478,00 |
90,00 |
Baisse de la rémunération 388,00 81,18 % |
3.500,00 |
540,00 |
138,00 |
Baisse de la rémunération 402,00 74,45 % |
35.000,00 |
1.031,00 |
1.026,00 |
Baisse de la rémunération 405,00 39,29 % |
350.000,00 |
3.699,00 |
3.491,00 |
Baisse de la rémunération 16,44 % |
3.500.000,00 |
29.686,00 |
26.568,00 |
Baisse de la rémunération 10,51 % |
35.000.000,00 |
289.561,00 |
257.337,00 |
Baisse de la rémunération 11,13 % |
350.000.000,00 |
2.888.311,00 |
2.565.027,00 |
Baisse de la rémunération 11,20 % |
Vous voyez l’idée se dessiner ?
Mais ce n’est pas tout…Nous n’avons tenu jusqu’à présent compte que de la remise de 10 % (qui est facultative, rappelons-le…) au-delà de 150.000,00 €
Qu’en est-il si on applique au tarif 1978 la négociabilité D.S.K, supprimée par l’irruption de la remise Macron
Et au tarif 2016 la remise de 40 % au-delà de 10.000.000 €
Le notaire pouvait, jusqu’au premier mars 2016, se voir demander un plafonnement de ses émoluments à 80.000,00 € maximum, ce qui revenait à permettre une remise de 100 % des émoluments pour les prix dépassant 8 Millions d’Euro.
Depuis le premier mars, on l’autorise, sur certains actes, à la fois à une remise de 10 % à partir de 150.000 €, prise en compte pour la totalité dans le tableau ci-dessus, et à une remise complémentaire portant le maximum à 40 % sur les prix dépassant 10 Millions d’Euro.
De l’aveu des notaires concernés, le plafond D.S.K était rarement pratiqué en totalité. La remise, portant de surcroit sur des catégories d’actes restreintes le sera-t-elle plus ? Certainement pas si elle mettait en danger l’équilibre des Études !
Comparons le système avec application maximale du dispositif :
350.000,00 |
3.699,00 |
3.491,00 |
Baisse de la rémunération 16,44 % |
3.500.000,00 |
29.686,00 |
26.568,00 |
Baisse de la rémunération 10,51 % |
35.000.000,00 |
80.000,00 |
175.937,00 |
Hausse de la rémunération 54,53 % |
350.000.000,00 |
80.000,00 |
1.457.987,00 |
Hausse de la rémunération 1.822,48 % |
Il ne faut pas être “grand clerc” pour comprendre que la présentation des chiffres a été effectuée de façon partiale, à destination d’un public non averti, par des notaires supposés représenter la profession mais qui ne représentaient pas, loin s’en faut, tous les professionnels…
Ces mêmes notaires, qui prônent l’UBERisation des actes peu rentables (baux d’habitation), la simplification à tous les niveaux, qui présentent l’acte comme un produit manufacturé, envisagent la “mutualisation” (dans le notariat le sens de ce terme doit généralement être inversé) et se préparent à la sous-traitance et même à la délocalisation des actes non rentables pour faciliter le low-cost, sont ainsi très généreusement pourvus par les tranches les plus hautes, alors que le contraire a été présenté !
L’expression d’une curieuse confraternité, consistant à éliminer les faibles pour gagner toujours plus est, ici, clairement démontrée ; les intervenants gouvernementaux ont été abusés, à moins qu’ils ne soient, ce qui serait beaucoup plus grave et que nous n’osons croire, complices !
Rappelons, pour finir, le projet tarifaire porté par le groupe de travail constitué aujourd’hui en association sous le nom de Res-Iste.
Les facturations lissées (acte et formalités inclues) seraient appliquées nationalement sans aucune différence d’une Étude à l’autre pour les actes tarifés proportionnellement à la valeur. Réelle “simplicité” et totale “clarté” pour le client.
La rémunération de l’Étude rédactrice serait, selon le cas, et pour chaque acte quel qu’en soit le rédacteur rendue “juste“, et par l’effet de cotisations (neutres en termes de fiscalité TVA comme de cotisations sociales C.R.P.C.E.N. ce qui n’est pas le cas des remises) serait rendue “raisonnable” à défaut d’être “pertinente“, car les réalités économiques des études sont très diverses et il est bien évident que le mécanisme de péréquation qui s’effectuait au détriment des petites études dans le système “interne” du tarif de 1978 ne doit pas s’effectuer au détriment des grosses dès lors que leur rémunération demeure raisonnable ; il faut à ce titre tenir compte de coûts majorés les concernant, d’un effort de cotisations professionnelles supérieur et de l’incidence non négligeable de la suppression des habilitations et de l’éventuelle concurrence nouvelle des “installés librement”.
Le tableau ci-après – diffusé de multiples fois – démontre qu’aucune notion de lutte de classes ne préside à un tel tarif ajusté.
Il s’agit uniquement de permettre de réaliser les 3 principes Républicains, sans sacrifier le maillage non plus que les Études urbaines.
C’est une solution d’équilibre, tenant compte de l’intérêt des parties en présence, diminuant le coût pour la majorité de nos concitoyens des actes “ordinaires”, et tenant compte de l’avantage procuré par l’acte pour en établir la facturation, tout en rémunérant correctement ceux qui assurent pour les plus faibles de nos concitoyens un service juridique complet de proximité (bien au-delà de la seule signature des “actes authentiques” ) dont l’utilité sociale n’est plus à démontrer, et qui disparaîtra à très court terme si les mesures annoncées ne sont pas rapidement rectifiées.
Une mesure transitoire pourrait être trouvée…
Il suffirait en effet de n’appliquer le plafonnement qu’aux frais de rédaction, et de laisser subsister les émoluments de formalités, ou de placer le minimum de rémunération à un niveau conforme à celui du décret précédent ; mais pour parfaire la réforme et en réaliser les objectifs, il n’est qu’une seule et unique solution : Le Tarif du Service Public de l’Authenticité tel que présenté, depuis près de deux ans, par les fondateurs de l’Association Pour un Authentique Service Public Notarial RES-ISTE
AVERTISSEMENT
La véritable mise en place d’un modèle tarifaire suppose la collecte de l’ensemble des données (disponibles dans les comptabilités interopérables des offices notariaux, et que le Conseil Supérieur du Notariat aurait pu -et du- rassembler depuis des mois), notre présentation n’est en aucun cas représentative des taux et valeurs susceptibles d’être nécessaires pour équilibrer le système proposé.
TARIF DE L’AUTHENTICITÉ – Simulation indicative sur l’acte de vente immobilière
Prix de vente |
Coût pour le client (hypothèse 1,5 %) |
Ajustement tarifaire |
Rémunération finale réelle de l’office |
Rappel du tarif actuel |
Gain / surcoût pour le client |
1.000 € |
50 € |
+ 742 € |
792 € |
578 € |
– 528 € (- 91 %) |
5.000 € |
75 € |
+ 717 € |
792 € |
650 € |
– 575 € (- 88 %) |
10.000 € |
150 € |
+ 592 € |
792 € |
817 € |
– 667 € (- 81 %) |
30.000 € |
450 € |
+ 441 € |
891 € |
966 € |
– 516 € (- 53 %) |
50.000 € |
750 € |
+ 735 € |
1.485 € |
1.296 € |
– 546 € (- 42 %) |
80.000 € |
1.200 € |
+ 731 € |
1.931 € |
1.871 € |
– 671 € (- 36 %) |
100.000 € |
1.500 € |
+ 728 € |
2.228 € |
2.036 € |
– 536 € (- 26%) |
120.000 € |
1.800 € |
+ 566 € |
2.366 € |
2.201 € |
– 401 € (- 18 %) |
150.000 € |
2.250 € |
+ 324 € |
2.574 € |
2.448 € |
– 198 € (- 8%) |
180.000 € |
2.700 € |
+ 82 € |
2.782 € |
2.696 € |
+ 4 € |
200.000 € |
3.000 € |
– 80 € |
2.920 € |
2.861 € |
+ 179 € |
220.000 € |
3.300 € |
– 241 € |
3.059 € |
3.026 € |
+ 274 € |
250.000 € |
3.750 € |
– 483 € |
3.267 € |
3.273 € |
+ 477 € |
350.000 € |
5.250 € |
– 1.290 € |
3.960 € |
4.098 € |
+ 1.152 € |
500.000 € |
7.500 € |
– 2.500 € |
5.000 € |
5.336 € |
+ 2.164 € |
800.000 € |
12.000 € |
– 4.921 € |
7.079 € |
7.811 € |
+ 4.189 € |
1.000.000 € |
15.000 € |
– 6.535 € |
8.465 € |
9.461 € |
+ 5.539 € |
Commentaires récents