De la Baisse du Tarif

Rappelez-vous c’était il y a deux ans…

Les notaires étaient d’infâmes rentiers, qui se gavaient sur le dos des « Français d’en bas sans dent » d’une façon éhontée, bénéficiant d’une rémunération totalement déconnectée des réalités et qui les situait, comble de l’horreur, en moyenne, au dessus de la rémunération des Hauts Fonctionnaires.

IN-TO-LE-RABLE !

Le Chevalier Blanc, Montebourg, décida donc qu’il fallait mettre fin aux privilèges, et s’y employa, jusqu’à avoir bu le vin de l’été ; le Mozart de la Finance, Macron, qui lui succéda alors, décida de relever le défi, lui qui n’avait presque rien gagné en faisant son dur métier de Banquier, détaché, prématurément, de la haute Fonction Publique…

A grands frais, tous les rouages de l’Etat s’y sont donc attaqués, et la « moyenne » du tarif des notaires va baisser…

Le peuple exulte, et les journalistes, (qui décidément ressemblent de plus en plus à des perroquets sans cervelle !) scandent que le nouveau tarif est plus simple, plus juste, plus clair…Comme le dit le communiqué de presse commun des ministres de la Justice et de l’Économie…

Plus simple ?

En fait, c’est presque le même, avec son découpage en multiples taux et tableaux, avec ses sources de divergences, d’interprétation, ses recoins et ses chausse-trappes. Il devra être « affiché » dans nos réceptions (nous savons déjà quel sera notre prochain papier peint) et sur nos sites web (l’avantage c’est que là, la place n’est pas limitée mais je vois mal le citoyen lambda le comprendre, alors que la plupart des notaires y ont renoncé et attendent, comme toujours, l’avis du supérieur conseil…

Plus clair ?

Sans doute faut-il voir une référence à la couleur du papier, car le nouveau tarif, qui vient d’être imprimé est effectivement d’un blanc immaculé alors que le papier du précédent, même protégé par les reliures et enfermé dans des armoires a foncé et jauni…

C’est en tout cas le seul élément du nouveau tarif qui soit « plus clair »

Plus juste ?

Là, je dois dire qu’il y a, comme souvent dans notre belle langue deux interprétations possibles…

Pour le petit client, c’est une vérité, le tarif est plus juste et surtout plus clair…Enfin…Vérifions-le, si vous voulez bien !

Scénario numéro 1 :

10 % maximum du prix exprimé, voilà qui va permettre à de nombreux (très nombreux) actes de voir enfin le jour à un prix raisonnable… « Ah -ha  ! Cette parcelle de quelques mètres carrés de friche que je voulais racheter de mon voisin, il me la cédait pour 10 €, mais ce salopard de rentier me demandait près de 700,00 €, Héhé ! Merci M. Macron, je fonce chez mon notaire, et je ne paierai qu’un Euro ! »

Et là, déception ! 90 €, plus les taxes fixes 15 et 25, plus deux états à 14, et la TVA sur émoluments hou-là ! 176,00 € « Mais…Je ne comprends pas, c’était pas 10 % TTC ? C’est pourtant ce que j’ai entendu à la radio ! »

Traînant le notaire qui s’accroche à sa cheville et le supplie de rester, sanglotant qu’il va devoir licencier tout son personnel et ne plus manger que de la soupe aux cailloux en raison du changement de tarif, mais qu’il ne fait qu’appliquer quelque chose qu’on lui impose et n’y peut rien, le client se précipite vers la sortie en criant :

« Je vais me renseigner à la Chambre Maître, car là je crois bien que vous tentez de m’arnaquer ! Vous êtes d’incorrigibles voleurs »

Scénario numéro 2

Une réduction de 10 % au-delà de 150.000,00 € (que ces négociateurs d’élite du CSN ont réussi à ne pas laisser imposer au dessus de 100.000,00 € seulement, nous permettant ainsi de gagner 40 € de plus! Bravo à eux !) est annoncée !

“Bonjour Maître, vous me reconnaissez ? J’achète une propriété à 200.000 € et on doit signer dans une semaine, vous m’aviez adressé votre appel de fonds avec indication des frais mais j’ai appris que ça baissait, combien vais-je devoir vous régler maintenant ? ” (par pudeur nous ne mentionnerons pas ici le montant indécent demeurant identique)

“Comment ça, pas applicable, mais ils ont dit que les prix des notaires baissaient de 10 % ” (la réponse patiente et étayée de l’homme ou de la femme de loi prend ici sa place.)

” Eh bien attendons le 2 mai, je ne suis pas si pressé et ça vaut quand-même le coup 10 % sur une somme pareille “ (avec un peu de lassitude le professionnel explique que la remise n’est pas obligatoire, qu’il la fera néanmoins mais que la diminution en résultant sera de l’ordre de 40 €.)

Et le client s’égosille  : “C‘est scandaleux, je vous retire le dossier et je vais de ce pas porter plainte auprès du Procureur de la République pour abus de confiance et de situation dominante !”

Scénario numéro 3

“Mon Cher Maitre, j’ai bien conscience d’abuser, mais vous comprendrez que les temps sont durs et que toute économie est bonne à prendre, donc, pour cet achat de 260.000.000,00 € (un certain appartement Avenue Montaigne, qui défraya la chronique, messieurs et mesdames les journalistes, appréciez le paradoxe !), je vous demanderai de bien vouloir plafonner vos émoluments à 80.000 € et dans le cas contraire, je chargerai un de vos Confrères plus compréhensifs de faire cet acte tout simple…”

(Ici, le professionnel souriant annonce que nous sommes le 2 mars, et qu’étant maintenant notaire sous Macron, il voit sa rémunération encadrée quel qu’en soit le niveau, il précise que certes, il pratique dès 150.000 € la remise maximale de 10 % qui lui est autorisée, et dès 10.000.000 le supplément de remise d’un maximum total de 40 % mais que les 60 % restants lui sont bel et bien dus sur les 250.000.000,00 dépassant cette somme, alors qu’avant, il les aurait bien évidemment remis, avec bienveillance, pour le service du client).

« Ce n’est pas possible, vous vous moquez ? »

Et le professionnel sort le tarif des notaires, montre les articles concernés…

Le client sort alors son téléphone portable, compose nerveusement un numéro de téléphone. A peine son interlocuteur a-t-il décroché qu’il lui hurle « Emmanuel ? Je suis chez le notaire, là, et tu sais quoi ? TU ES UN SALE CON !!! » (Excusez nous, nous citons textuellement ! Dès qu’il s’agit d’argent les parvenus sont d’un vulgaire…)

Plus juste et plus simple, en effet…

Et pour le notaire, me direz vous…

Eh bien oui, le tarif est plus juste, mais au sens « un peu juste », comme qui dirait même : « 13 et 3 » pour la plupart des notaires de province “ordinaire” (car Paris n’est pas soyez en conscients, la seule zone notariale économiquement géofavorisée !)

90 € de rémunération hors taxes (ou 10 % du prix à partir de 900 €), ce n’est plus un tarif, c’est une aumône. Les petits offices ruraux travaillaient souvent à perte, ils voient leur perte s’amplifier dramatiquement et distinguent derrière elle le spectre des licenciements et de la faillite…Le maillage devait être protégé, il semble que ce paramètre ait été négligé.

Et lorsque les actes moyens baissent également de l’ordre de 2,50 %, la perte accrue des tous petits actes n’est plus du tout (alors qu’elle n’a jamais vraiment été) compensée par les rares gros actes, d’autant que les règles de la profession veulent que les notaires partagent leur rémunération, et que la « chasse à la participation » est devenue une activité essentielle pour certains, même si le règlement national prétend empêcher ce genre de dérive clientéliste.

Les études moyennes se préparent donc à souffrir ; jusqu’à présent elles le faisaient en silence…Le clameront-elles enfin ?

Mais heureusement l’ « essentiel » est protégé et le Conseil Supérieur du Notariat crie « Victoire », on sait donc maintenant clairement qui le Conseil Supérieur du Notariat représentait dans cette négociation !

Permettez nous, néanmoins, de penser que le dernier scénario porte en lui les germes d’une future réforme, et que les deux premiers dont la conséquence évidente est la disparition et l’affaiblissement des petites et moyennes études privera, pour l’avenir, les « grands notaires » de leur traditionnel bouclier humain…

Cette « victoire » n’en est pas une, un recul stratégique a été opéré par l’ennemi, qui laissera “La profession” (les professionnels ayant été sacrifiés pour la plupart) se rendormir avant un assaut final prévisible et définitif…

Pour conclure, reprenons le thème du « dinotaire » évoqué déjà en septembre 2009 dans Notariat 2000 :

En ce moment, le Tyrannosaure se frotte les pattes avant, et se désintéresse des difficultés de la Musaraigne ; ou plus exactement fait mine de s’y intéresser avec des accents de pitié dans le grognement…Mais il ignore que la faiblesse peut être une force lorsque viendra le coup fatal…

Musaraignes du notariat, tenez bon !

La vie n’a jamais été facile pour les petits, mais ils s’y accrochent ! Et rappelez-vous que le descendant direct du Tyrannosaure n’est autre…Que le poulet !

La musaraigne, elle, continue, telle qu’en elle-même, depuis des centaines de milliers d’années…

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